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Parole de dirigeant : Hubert de Boisredon, président d’Armor

À la tête du groupe industriel ARMOR depuis 18 ans, Hubert de Boisredon ne cesse d’interroger le rôle de l’entreprise dans la société. Convaincu qu’elle est un moyen de changer le monde, de protéger le climat et d’améliorer le quotidien de chacun, ce capitaine d’industrie prouve chaque jour que l’on peut être idéaliste en restant compétitif. Invité du Speed Dating des Entrepreneurs organisé le 19 mai par Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels, il nous a raconté en avant-première son cheminement et ses convictions…

 

 Après avoir été formé à maximiser les profits pour les actionnaires, comment devient-on un chef d’entreprise engagé ?

 Dès mes études, plusieurs expériences m’ont amené à m’interroger sur les notions de choix, de liberté et de responsabilité. Jeune étudiant à New-York à l’époque de l’ultra-libéralisme de Reagan, j’ai d’abord été confronté à l’extrême misère de cette ville, aux malades du Sida, à la violence… Ce fût un premier choc, une première crise de sens qui a été suivie par une deuxième au Chili, où j’ai créé avec un ami la banque de microcrédits Contigo. Pendant les 11 années passées ensuite chez Rhône Poulenc (devenu Rhodia), j’ai découvert le management participatif au Japon, mais aussi les dégâts irrémédiables causés par certaines entreprises, comme en Chine où j’ai vu les effluents chimiques polluer les nappes phréatiques. Toutes ces expériences m’ont permis de me forger la conviction intime que l’entreprise avait un rôle sociétal à jouer et qu’elle ne pouvait plus se désintéresser des enjeux écologiques et humains. C’est ce parcours que je raconte dans mon livre « L’Esprit souffle, suis-le. Itinéraire d’un dirigeant engagé », paru en septembre dernier aux Éditions Mame.

En 2004, vous reprenez la direction du groupe industriel nantais Armor, spécialisé dans l’enduction de couches minces sur films minces.  Comment avez-vous mis en pratique ces convictions écologiques et sociétales ?

Tout d’abord il a fallu effectuer un tournant stratégique car cette ETI régionale et familiale affichait des résultats en berne. Nous avons mis en place un plan d’investissements qui a permis de devenir le leader mondial du ruban Transfert Thermique et le leader européen de la production de cartouches d’impression Laser et Jet d’encre remanufacturées. Aujourd’hui, nous avons presque quadruplé notre chiffre d’affaires, qui va dépasser les 450m€ en 2022, en nous appuyant sur 25 sites industriels et logistiques sur 4 continents, dont 84% sont certifiés QSE. C’est en 2008 qu’avec les actionnaires majoritaires familiaux de l’époque, j’ai fait le choix d’inscrire le développement durable au cœur de notre stratégie. Je venais de voir le documentaire du vice-président Al Gore « Une Vérité qui dérange ».  L’urgence d’agir pour le climat s’est imposée à moi. Cela s’est traduit par le développement de 4 axes d’innovation sociétale : la sécurisation des biens et des personnes par la traçabilité des produits grâce à nos consommables d’impression transfert thermique, l’économie circulaire grâce à des consommables responsables (Armor Print Solutions), la fabrication additive 3D avec KIMYA, et enfin la transition énergétique par des solutions pour augmenter la performance des batteries lithium-ion grâce aux films collecteurs de courant En’Safe©, et bien sûr les films photovoltaïques de 3e génération ASCA©.

Cette technologie est révolutionnaire ! Pensez-vous qu’elle pourra remplacer à terme les panneaux photovoltaïques ?

Extrêmement fins, robustes, légers, semi-transparents et flexibles, les films photovoltaïques ASCA© peuvent en effet s’installer sur n’importe quelle surface, plane ou courbe, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils répondent efficacement aux besoins d’autonomie énergétique des villes et des bâtiments, mais aussi des objets nomades et des véhicules électriques. Ils pourraient dès maintenant être posés sur des milliers de kilomètres carrés de surfaces bétonnées horizontales ou verticales, mais surtout ils sont issus de la chimie organique, ils sont recyclables et bénéficient d’un temps de retour énergétique extrêmement court. Leur payback Carbone est à peine de 4 mois. Et comme ils sont produits en France, ils nous permettraient de nous libérer de notre dépendance aux panneaux solaires chinois ! Malheureusement il est encore compliqué de convaincre les investisseurs et les énergéticiens d’investir pour l’innovation sur le long-terme. Car si tous s’attachent à vouloir développer la finance ISR et l’énergie verte, peu sont ceux qui acceptent de ne pas générer du profit à court terme…

 Justement, comment parvenez-vous à transmettre votre vision de cette nécessaire transition écologique et sociétale ?

 C’est un exercice difficile, car le doute est permanent : nous sommes tous confrontés au dilemme de maximiser les profits pour pérenniser l’activité et de s’interroger sur notre rôle face à l’état du monde. Heureusement, nous constatons que toutes les actions vertueuses rayonnent. C’est par exemple le cas des universités Armor, créées pour former nos employés comme pilote de machines robotisées, et qui sont maintenant ouvertes aux demandeurs d’emploi du territoire. Avec l’association des dirigeants responsables de l’ouest (DRO), qui réunit 130 dirigeants convaincus que la RSE est un levier pour améliorer leurs performances économiques, nous constatons aussi un effet boule de neige : le territoire tout entier se met en route ! Et comme je suis intimement convaincu qu’il ne faut pas rester seul pour réussir cette transition, j’ai créé avec Louis Faure le cabinet de conseil en leadership Eotekum, pour que les dirigeants porteurs d’un projet vertueux puissent maintenir le cap et s’épauler pour devenir des leaders au service de la transformation du monde, en avançant en tandem, en se formant pour s’engager dans compagnonnage bienveillant… Le point de départ est de prendre conscience que nous ne pouvons pas réussir la transition écologique, sociétale, entrepreneuriale en restant seuls. Il est si facile de s’illusionner sur soi-même. C’est pourquoi je crois à l’expérience du compagnonnage. Je l’expérimente moi-même et cela me donne beaucoup de force et parfois de lucidité, grâce à l’autre avec qui j’accepte de partager mes questions, mes doutes et mes projets pour avancer.

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