Le défi
Responsabilité sociétale des entreprises
Icône de la parfumerie, le meilleur patchouli du monde est cultivé dans les zones montagneuses de la plaine côtière d’Aceh, au nord de l’île de Sumatra. La région a connu un afflux d’ONG suite au tsunami de décembre 2004. Anne-Sophie Beyls travaillait dans l’une de ces organisations – à l’aide au développement agricole – quand la société Payan Bertrand a décidé, en 2008, d’aller au plus près de ses matières premières, notamment du patchouli. La jeune femme a alors fait le lien entre l’entreprise grassoise et les acteurs locaux dans le but de développer un modèle de filière tracée, respectueuse de l’environnement et des conditions sociales. Elle a participé au montage de cette structure et est aujourd’hui sourcing manager chez Payan Bertrand. Ce métier, apparu il y a une dizaine d’années, permet de suivre toute la chaîne d’approvisionnement pour la valoriser et l’optimiser.
Renforcer la tradition
Pour consolider le réseau existant, il fallait identifier les forces et les faiblesses de la production de patchouli à Aceh. Concrètement, la durée de vie du patchouli est assez courte : « après 7 mois on obtient une première récolte puis une seconde 4 mois plus tard sur le même pied, parfois une troisième », précise Anne-Sophie Beyls. Une fois récoltées, les feuilles sont séchées et expédiées jusqu’à de petites unités de distillation. Un alambic traditionnel contient jusqu’à 40 kg de feuilles et, après 8 heures de distillation, produit 800 g à 1,2 kg d’huile, soit un rendement de 2,5 %. À l’époque, des collecteurs d’huile sillonnaient les villages pour ramasser les bidons – entre 1 600 et 2 000 tonnes par an – et aller les vendre à Jakarta entre 30 et 100 dollars le litre. Cette grande variation de prix de vente rendait le marché instable. Le premier réflexe de Payan Bertrand a donc été de valoriser le savoir-faire et le travail des agriculteurs via un revenu idoine. Diffusion d’informations, distribution de boutures, réduction des intermédiaires, et modification des paramètres de distillation ont été les premières mises en œuvre.
Maîtriser son impact sur l’environnement
Dès l’origine, la volonté de Payan Bertrand a été de réduire son impact sur l’environnement. Une vision éthique traduite par une politique RSE : « Un investissement certes important, voire assez lourd et novateur pour une PME, en termes de temps et de trésorerie, mais vital et somme toute logique », confie Anne-Sophie Beyls. L’entreprise préserve ainsi sa matière première et assure la pérennité de son activité. L’apport d’un soutien technique pour optimiser la distillation, la réduction des coûts de production et de la consommation de bois de chauffe dont les alambics sont gourmands, les partenariats avec ONG et organismes environnementaux, permettent à la filiale indonésienne de Payan Bertrand d’obtenir une huile très claire et riche en patchoulol (le composé chimique du patchouli).
Les réalités du terrain dictent les réalités du business
Cette politique RSE a exigé d’importantes avances de liquidités. Il a fallu prêter l’argent nécessaire à la production et accepter de bloquer la trésorerie de longs mois. Cela requiert également une constante réévaluation de la situation par une présence assidue sur place. Mais, ce cycle économique atypique, l’adaptation aux contraintes agricoles et aux réglementations locales, garantissent la consolidation de la dynamique. En maîtrisant sa filiale d’approvisionnement, Payan Bertrand s’est assuré une ressource stable et une puissance de marché.